Comme je l'ai dit précédement, lorsque j'ai décidé de porter le voile je me suis préparée à faire des choix.
A cette époque, j'étais en formation, et alors qu'on était en plein débat sur le projet de loi portant sur le port du voile dans les écoles et lieux publics, je voyais mal comment mon geste pourrait passer inaperçu. Mais tant pis, je courrais le risque de me faire renvoyer car je ne souhaitais pas attendre plus longtemps, et sûrement pas les 2 ans et demi qu'il me restait dans cette école.
Nous étions entre adultes, dans un centre formant des travailleurs sociaux, alors contre toute attente, mon geste, bien que très critiqué et incompris, a été accepté. J'ai rencontré la responsable qui m'a fait part des débats que je suscitais entre formateurs, mais qui a tout de même souhaité prendre le pari de me laisser venir voilée en formation, ne serait-ce que pour pousser les gens (élèves comme formateurs) à réfléchir et à prendre du recul. Elle a utilisé une formule que je n'oublierai pas de si tôt : "vous posez une question avec votre voile".
Pourtant, je dois avouer que ça n'a pas été si difficile à vivre. Certes j'ai été beaucoup interrogée sur mon choix, mais je l'assumais tellement bien et je le prenais avec une telle simplicité que finalement les gens autour de moi passaient outre. Je faisais beaucoup d'humour sur ce sujet et sur moi-même, ce qui détendait l'atmosphère et permettait aux autres de me parler librement.
Pour finir, je retiendrai des réactions du type "ah y'en a tout de même là-dessous (en désignant mon voile)" venues d'élèves hostiles qui m'ignoraient ou me regardaient de travers au début.
Mon combat commence là, dans mon quotidien. Montrer à tout le monde que porter le voile ne signifie pas forcément être recluse, ignorante, opprimée, ou.... coincée !! Montrer à tout le monde que l'on peut être voilée, avec des bras et des jambes couverts, tout en étant attentive à son allure, et à son look. Montrer qu'avec un voile sur la tête on peut participer à énormément d'activités sans se priver, on peut rigoler, et partager du bon temps.
Voilà, je suis musulmane, ça se voit et j'en suis fière. Je suis musulmane pratiquante. J'ai ma foi, mes valeurs, mes principes. Tout n'est pas forcément compatible avec la société française, soit. Mais je ne suis pas obligée pour autant de m'isoler, de n'habiter dans des ghettos qu'avec des musulmans. J'ai continué à vivre normalement, à fréquenter les mêmes quartiers, même huppés, à cotoyer les mêmes personnes - qui ceci étant dit sont restées contrairement à certains membres de ma famille - et à ne pas me laisser influencer par ceux qui ont essayé de me "casser". Car finalement, ce sont les gens qui sont sensés m'aimer le plus qui m'ont rejetée et isolée.
Je connaissais les risques que je prenais en venant voilée en formation, mais je n'avais pas idée des conséquences qu'aurait mon voile sur ma relation avec mon frère aîné.
Alors que ma mère m'avait "prévenue" sur son opposition au voile et que je savais plus ou moins à quoi m'en tenir, la surprise est venue de mon frère.
Lui, en qui je pensais trouver un allié, s'est avéré être mon plus farouche opposant ! C'est très simple : alors que j'entretenais jusque là de très bons rapports avec lui, que je venais régulièrement passer des vacances chez lui, je fus du jour au lendemain interdite de résidence. En effet, mon frère, ayant de forts préjugés sur le voile, a tout simplement choisi de ne plus voir sa soeur...
Je devais, et dois encore d'ailleurs, choisir entre mon bonheur (porter le voile) et ses principes. Après avoir pendant des années donné la priorité à mon entourage, j'avais décidé désormais de m'écouter et de m'occuper de moi. Si pour être heureuse et entière je devais renoncer à mon frère, et bien soit, mon choix était fait. Et malgré toute la douleur que pouvait me procurer cette décision, je restais ferme. Je ne pouvais pas accepter que mon propre frère puisse me rejeter. Car rejeter mon voile c'était me rejeter telle que j'étais, ne pas accepter que je puisse être heureuse comme cela.
Des choix j'en ai fait beaucoup jusqu'à présent, et dans différents domaines. Mais ce qui est sûr, c'est que bien que ce soit douloureux, choisir entre mon frère et ma foi a été simple et d'une telle évidence que je ne me suis posée aucune question. Cela revenait à choisir entre mon frère et moi. C'était donc tout vu !
Et Dieu dans tout cela , me diront certains ?
Allah fait partie intégrante de ma vie, et tout ce que je fais est conditionné par ma foi et ma reconnaissance en Allah. Ce que je suis maintenant, je le dois à Allah. Mais les choix que je fais je les fais seule. Allah m'a offert ce magnifique cadeau qu'est la foi et m'a guidé sur le chemin de l'Islam, mais c'est à moi maintenant de la préserver et de l'entretenir. C'est pour cela que si l'on m'aime et que l'on m'accepte, c'est telle que je suis, avec ma foi et ma pratique. Je ne comprends pas la formule qui dit que "la religion appartient à la sphère privée". Pour ma part c'est indissociable de mon être, cela fait partie de mon identité.
A suivre...
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